Le Fléau d'Alacin

Lors de la troisième nuit en mer de la première excursion du nouvel équipage de l'Engeance, tout le monde sur le navire put entendre un grand cri venu des profondeurs. Lyne raconte à qui veut l'entendre ce qu'il se passa cette nuit- là...

Spoiler:

""n était su' l'pont, et c'tains avaient r'marqué une grande omb' sous l'eau, très rapide, qui nageait près d'navire... Personne savait c'qu'c'était, et même maint'nant on a aucune certitude quant au monstre... C'qui est sûr, c'est qu'i veut bouffer Alacin."

La gabière marque une pause, le temps que l'information prenne tout son sens.

"C'ment j'le sais, d'mand'rez-vous ? Simp' déduction. Hier soir, l'botte d'Alacin a f'nit à la mer. La chose mange la botte, et ça lui plait. N'importe comment, elle arrive à suiv' l'odeur, et comprend qu'ç'vient du navire. Tu m'crois pas, Mumba ? Et pourtant la science a parlé !
Alacin a ben voulu m'filer l'aut' botte en appât, pour qu'on pêche la chose. P'sécurité, j'me suis attachée à un bout et l'bout à un mât... puis j'ai 'tendu. Pas longtemps, notez bien. Car très vite, l'bestiau est v'nu fur'ter près d'la botte, une omb' noire qui f'sait des r'mous... A peine une minute après, j'le ferrais. Et là, c'fut la lutte. L'était pt'êt gros, mais pas 'ssi costaud qu'on pouvait l'y attend' : j'ai pas lâché. Mais à un moment, l'a réussi à s'défaire, la botte est r'montée d'un coup su' l'pont..."

La blonde s'arrête un moment, après avoir accéléré le rythme de son récit pendant la pêche. Elle laisse planer le suspens avant de reprendre.

"Et là, v'l'avez tous entendu. Ce cri, ce grand cri d'bête insatisfaite. C'était lui -ou elle. La chose beugla sa rage d'pas avoir eu la botte. Su l'moment, j'craignis qu'l'attaque l'navire, d'un moyen ou d'un aut'. Comme K'nan avait r'fusé d'plonger avant pour voir c'que c'était, on pouvait pas savoir c'que ça pouvait faire. Donc j'balance la botte. Et là, JE LE VOIS ! Une énooooorme ombre noire, plus somb' qu'une nuit sans lune ni étoiles ! La chose ouvre une bouche grande comme un fourneau et happe la botte, sans aut' forme d'cérémonie. Mais c'est pas tout.
C'est pas tout car en même temps, elle jette un r'gard au 'lacin qu'était penché, comme tout l'monde, au bastingage. Et là, dans ce p'tit œil mauvais comme la pire des pestes, l'Alacin, y voit tout l'dessein qu'le monstre a pour lui. IL VEUT L'BOUFFER. L'a juste entraperçu son sort, mais c'en est trop pour l'pauvre homme. Le v'là qui détale comme un lapin jusqu'la cale, et Lilith l'a r'trouvé dans un placard. Anéanti, qu'il était. Car il savait. Il savait qu'la chose n'aurait d'répit avant d'l'avoir croqué, que dis-je avalé, happé dans sa grande gueule noire. c'avait goutté aux bottes, et ça voulait plus."

Lyne prend une grande inspiration en secouant doucement la tête, compatissant au triste destin d'Alacin.

"L'nature de la Bête est pas encor très claire. Une espèce de grand saurien, ou un p'tit krakken... Y f'sait trop somb' pour voir. Mais on la r'verra, pour sûr. Jusqu'à qu'l'un des deux l'emporte : la Bête, ou le bête -l'Alacin."

Quelques jours après la bataille qui valut une frégate à l'Engeance, alors que les navires sonten route vers l'Arche, Lyne révèle le fin mot de l'histoire du Fléau d'Alacin...

- Comme l'savez, 'lacin a eu d'problèmes 'vec un mini kraken mangeurs d'bottes.D'puis qu'la g'té aux pieds n'séabonds, l'monst' l'traque...

Après avoir entamé cette introduction sur un ton calme, Lyne reprend soudain plus fortement.

- Mais voici ! Alacin a vaincu ! A ce moment, le concerné, présent dans l'auditoire, lève le bras. En toute d'scrétion, notez bien... S'en est p'rendus compte.
C'tun soir, p'r une nuit sans lune, poursuit la gabière en se penchant légèrement, comme pour faire une confidence. 'lacin l'vait pas l'sommeil, car y savait qu'c'était l'heure du Destin.

- Héhé ! Ouais, le destin n'attends pas !, lance alors le protagoniste.

Mais la blonde de reprendre :

- L'monté su l'pont presque vide. C'tait peu 'vant l'aube. Et, en r'g'dant pa d'sus l'bastingage, l'a vu. l'a vu quoi ? L'Oeil d'l'a Bête !

Après un bref silence pour que tout l'auditoire saisisse le danger de la situation, et pendant lequel Alacin se mord les doigts, Lyne reprend.

- C'tait l'même regard qu'vait fait c'rir l'lacin dans l'placard l'aut' fois, mais c'te fois, s'coeur a pas flanché. OH QUE NON !"C'est la lutte finale" qu'il a dit, et l'a plongé.

- J'ai plongé ?, fait Alacin, étonné de sa propre action.

- L'a plongé comme ça, t'net ! 'vec la grâce d'un signe, l'a plongé !

- Mais l'est fou ce con ?, reprend le héros de l'histoire.

Dans le même temps, Varek quitte soudainement l'assemblée, et trébuche dans un cordage qu'il n'a pas vu du fait de son œil manquant. Il rejette violemment l'assistance de Tao, lequel quitte aussi l'auditoire en pestant, suivi par Henri et William qui tentent de le calmer. Le public se fait plus mince, ne comprenant que quelques anciens et une poignée de recrues fraîches. Lyne reprend alors d'une voix forte, pour récupérer l'attention de l'auditoire.

- Mais l'monstre n'a pas attendu l'assaut ! 'vant qu'lacin puisse porter l'moind' coup, s'fait happer par un t'tacule !

La gabière s'attrape vivement le poignet droit de la main gauche, pour illustrer l'action. Elle s'arrête un temps avant de reprendre, en portant son regard du Alacin :

- Gr'boulet, 'lacin ! Bouuuuuh !T'tattendais à quoi ?

La blonde ne fait pas grand cas des protestations d'Alacin, et reprend bientôt :

- Mais l'pas si bête qu'on l'croit, l'lacin ! car t'ça, C’ÉTAIT UN PLAN ! l'monstre approche l'lacin d'sa grande gueule, d'ce four béant tout noir... Y c'mence même à y faire entrer s'proie, qui reste s'rien faire...

A ce moment là, la majorité des matelots sur le pont ont rejoint l'auditoire, captivés comme des gosses par le récit de leur cadette, laquelle reprend tout d'un coup :

- MAIS VOICI ! Jaillissant c'me l'éclair, l'main armée d'lacin jaillit vers l'palais du monst' !

A ce moment, le protagoniste braille un grand "OUAIS !" reprit par tout l'auditoire. Et la conteuse de poursuivre :

- TAC ! D'coup net et précis, D'UN SEUL, il l'enfonce ! L'monst' hurle, lâche s'prise, mais l'lacin c'tinue ! L'enfonce s'c'teau !

Le public de Lyne semble conquis par le récit, braillant avec hargne, vivant l'aventure, tandis que la blonde hurle : "VAS-Y, 'LACIN ! 'FONCE-LE, C'C'TEAU !" Puis elle marque une brève pause, laissant retomber l'ivresse du combat d'Alacin pour reprendre plus calmement.

- L'bête mugit, tremb', tressaille... L'est vaincue.

- OUAIS !, clame le marin victorieux depuis l'auditoire. Hé, à un ou deux détails prêts, c'était exa-cte-ment ça !

- Mais, reprend la gamine, 'vant qu'lacin remonte, v'la-ti pas qu'dans un dernier hoquet, elle r'crache la botte !

- C'était MA botte, enchaîne le concerné en se pointant du doigt à répétition.

- L'dernière, malheureus'ment, pas les deux, reprend Lyne avec une moue désolée. L'première a dû êt' d'gérée...

- Puissent les Dieux trembler à l'annonce de la venue de ma botte ! clame alors Alacin.

- Et l'lacin est donc r'monté, poursuit la blonde, vict'rieux mais mi-botté... Où qu'l'est cette botte, qu'vous allez dire ? L'en a ben deux, là ! Il l'aurait jetée ? Nooooon... Non 'lacin, t'pas fait ça ? demande-t-elle alors au concerné, les poings sur les hanches. Finalement, elle écarte les bras. Bien sûr qu'non !

- Quelle question ! fait alors l'interrogé.

- Il l'garde en trophée !, reprend la gabière. C'pas tout l'jours qu'on ramène s'botte d'vent' d'un kraken ! On l'clame ! 'lacin, pourfendeur d'kraken !

A ce moment, Lyne va vers Alacin pour lui prendre le poignet droit et le lever victorieusement, entraînant un cri du brave marin qui la fait lâcher aussitôt.

- On l'plaudit, poursuit la blonde pour préserver les apparences. ALACIN ! ALACIN ! 'coutez-moi c'cri d'guerre ! 'vec un cri pareil, y'aura p'un kraken pour s'approcher à cent lieues d'navire !

Suite à cela, elle entraîne Alacin vers l'infirmerie, alors que les matelots présents sur le pont braillent à qui mieux-mieux, sur un air d'accordéon du Gros Pitt.